Trêve hivernale 2025 : à quoi doivent s’attendre les propriétaires et les locataires ?

Florence Carpentier journaliste de la presse écrite
Publié le , mis à jour le par Florence Carpentier - Journaliste de la presse écrite

Entre le 1er novembre 2025 et le 31 mars 2026¹, la France met en place la trêve hivernale². Cette mesure de protection sociale interdit d’expulser des locataires victimes de difficultés financières parfois passagères ou en situation de précarité après une perte d’emploi, un divorce, un décès, etc. Cette mesure garantit ainsi un hébergement aux familles pendant ces longs mois où les conditions climatiques peuvent être particulièrement rudes dans de nombreuses régions françaises.

À l’occasion de la mise en place de la trêve hivernale pour préserver les personnes vulnérables, qui sont des familles, des personnes âgées et/ou malades, la rédaction d’Ymanci revient sur cette mesure de protection sociale. Mais également sur les dangers de cette mesure pour les propriétaires d’un appartement ou d’une maison en location. Sans oublier l’investissement locatif.

Quels sont les devoirs des locataires envers leurs propriétaires pendant la trêve hivernale ?

Comme nous l’évoquions dans notre introduction, cette mesure spécifique permet de préserver les personnes vulnérables. Toutefois, la trêve hivernale n’annule pas les loyers impayés. Ces derniers continuent de s’accumuler. La trêve hivernale n’empêche pas l’exécution des décisions de justice. Elle ne fait que les suspendre. Si le locataire joue avec le feu, il s’en mordra les doigts dès la levée de l’interdiction d’expulsion. Car il devra, à un moment donné, rectifier le tir en les payant, sinon il risque de se retrouver à la rue.

Certes, ils sont protégés par cette mesure sociale pendant quelques mois. Cependant, certaines obligations incombent aux locataires. Outre l’entretien de leur logement, ils doivent se plier à une autre obligation qui coule de source : le paiement du loyer tous les mois. Seulement voilà, les aléas de la vie n’épargnent personne et peuvent compromettre la capacité à payer le loyer s’ils s’éternisent.

Voici les cas de figure qui reviennent souvent :

  • La situation financière de l’occupant est instable depuis la survenance d’un ou plusieurs imprévus : perte d’emploi, problèmes de santé, changements familiaux comme un divorce, décès d’un conjoint, etc.
  • La période de chômage du locataire perdure. Cette situation aggrave généralement une situation financière et est synonyme d’impayés.

Si le locataire traverse une mauvaise passe financière, il est dans son intérêt d’afficher sa bonne foi, en prouvant qu’il veut régulariser sa situation pécuniaire. Pour ce faire, il existe des solutions qu’il peut mettre à profit pendant ce répit pour :

  • Solliciter des aides comme nous le verrons ci-dessous.
  • Contacter son bailleur pour trouver une solution à l’amiable.

Par exemple, il peut demander de lui accorder un délai supplémentaire pour payer le loyer ou lui proposer de mettre en place un nouvel échéancier instaurant le paiement échelonné.

Il y a d’autres motifs aux impayés, mais dans ces cas, le règlement à l’amiable est plus compliqué.

  • Celui qui loue a une mauvaise gestion de son budget, d’où les retards de paiement ou les impayés fréquents.
  • Le locataire est en litige avec le propriétaire. Les causes de ce litige peuvent être liées à l’entretien du logement, aux réparations non effectuées ou encore aux conflits autour des conditions locatives.

Quelles sont les mesures mises en place pour aider les locataires ?

Les locataires, qui ont des impayés, peuvent se tourner vers les services sociaux de leur mairie ou de leur département ou les associations spécialisées :

  • L’Adil : cette agence peut conseiller du lundi au vendredi les locataires en cas de risque d’expulsion³.
  • La Fondation pour le Logement des Défavorisés.
  • Les Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL).
  • Les aides au logement en passant par la CAF ou la MSA : APL, ALS, ALF.
  • L’Action Logement pour les salariés et les demandeurs d’emploi.

Les locataires ne seront pas sans abri pendant ces mois de trêve hivernale. Quant à leur logement, il continuera de recevoir l’eau courante, sera éclairé puis chauffé.

Bon à savoir

Est-ce que la trêve hivernale désavantage un propriétaire louant son bien immobilier ?

Cette mesure sociale peut sérieusement compliquer la vie et les finances des propriétaires. Alors qu’ils ne perçoivent plus les loyers, certains parmi eux doivent toujours continuer à assumer les charges financières associées à leur bien immobilier. Ils comptent effectivement sur ces revenus locatifs pour rembourser leur emprunt souscrit auprès d’une banque. Si cette situation dure dans le temps, ils peuvent très vite se retrouver en difficulté financière. À leur tour !

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Quels sont les recours proposés aux propriétaires pendant cette période ?

Un propriétaire n’a pas vérifié le profil et les antécédents financiers de son locataire. Il a donc attribué le logement à une personne peu fiable et incapable de respecter les obligations financières. Aujourd’hui, elle ne paie plus son loyer et la trêve hivernale prend effet pour cinq mois. Un propriétaire avait un locataire qui s’acquittait en temps voulu de ses loyers. Mais ce dernier rencontre des difficultés à les honorer depuis qu’il est sans emploi.

Si le propriétaire se retrouve dans cette situation inconfortable, il a la possibilité de poursuivre ou d’entamer des actions en dépit de cette mesure sociale. Il peut, par exemple, appliquer la méthode dite « douce » :

  • Relancer son locataire pour trouver le moyen de régulariser sa situation à l’amiable dans les plus brefs délais : négocier un échéancier pour lui permettre de régler progressivement sa dette, lui donner un délai supplémentaire pour obtenir les fonds nécessaires.
  • Avoir recours à un conciliateur de justice en mesure de faciliter la communication et trouver un terrain d’entente entre les deux protagonistes.

Si le recours à l’amiable ne suffit pas, d’autres solutions s’offrent au propriétaire. Il est tout à fait possible d’employer la méthode dite « dure ».

  • Il peut mettre à profit ce délai pour poursuivre la procédure d’expulsion en recourant au service de la justice en vue d’obtenir la décision d’expulser son locataire. Ces démarches étant particulièrement longues, il est conseillé de les engager dès que les occupants du logement multiplient les impayés.

Ce n’est pas tout ! Le proprio, comme nous l’appelons dans le langage familier, peut souscrire une assurance et des garanties contre les loyers impayés : garantie loyers impayés (GLI). Cette assurance, qui n’est pas obligatoire, mais fortement recommandée, peut protéger contre les défauts de paiement de loyers, les dégradations et les frais de justice.

Le propriétaire peut exiger un dépôt de garantie dès l’arrivée du locataire dans le logement. Cette somme, versée lors de la signature du bail, équivaut au montant d’un mois de loyer sans charges.

Le propriétaire peut demander un garant. Cette personne physique, proche du locataire, paiera le loyer et les charges si le locataire se retrouve dans l’incapacité

Il peut compter sur la garantie Visale d’Action Logement qui se charge de régler les loyers impayés afin de sécuriser votre situation financière.

Un propriétaire peut appliquer la clause résolutoire si cette dernière a été incluse dans le bail. Cette clause permet de résilier le contrat en cas d’impayés répétés. Si le locataire ne peut pas ou ne veut pas régulariser sa situation, la résiliation du bail est effective deux mois après l’envoi du commandement de payer le loyer et/ou les charges impayés. Dans ce cas de figure, le propriétaire doit patienter jusqu’au 31 mars inclus. Ce document est envoyé par un commissaire de justice.

Enfin, le propriétaire peut recourir au service des juristes de l’Agence départementale de l’information sur le logement (Adil). Ce service informe gratuitement depuis un téléphone les propriétaires. Voici le numéro vert : 0 805 160 075. Ces professionnels sont à même de les accompagner, de les conseiller en cas d’impayés de loyer.

Que risquent les propriétaires ne respectant pas la trêve hivernale ?

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les propriétaires, qui ne perçoivent plus les loyers, peuvent être pénalisés par ces impayés. Tous ne roulent pas forcément sur l’or. Certains d’entre eux vont sûrement être tentés de ne pas respecter la trêve hivernale et d’expulser leurs locataires en dépit de cette interdiction. Attention mesdames et messieurs les propriétaires, l’expulsion illégale constitue un délit. L’article 226-4-2 du Code Pénal précise que :

Le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’État dans les conditions prévues à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

L’avocat inscrit au barreau de Paris, Maître Romain Rossi-Landi, confirme :

Qu’un propriétaire expulse un locataire pendant la trêve hivernale ou hors trêve hivernale, c’est le même délit. Le fait de forcer le locataire à partir sans avoir recours à la force publique est répréhensible par la loi. (…) Forcer un locataire à partir pendant la trêve hivernale peut être une circonstance aggravante s’il y a un procès. Le tribunal pourrait se montrer plus sévère.

Certains professionnels du secteur immobilier ne seraient pas contre une réforme de ce dispositif qui permettrait de trouver un équilibre entre la protection des locataires et la préservation des droits des propriétaires. Pour eux, il faudrait notamment renforcer les dispositions d’accompagnement des locataires qui traversent des difficultés financières et de prévention des impayés.

Quels sont les profils qui peuvent être expulsés en dépit de la trêve hivernale ?

Certains profils peuvent être délogés manu militari. Attention, ces expulsions sont possibles si un juge intervient. Voici les principaux cas de figure :

  • Les locataires pour lesquels une solution de relogement adaptée à leur situation familiale a été proposée.
  • Les squatteurs occupant la résidence principale ou secondaire d’un propriétaire. En revanche, ceux qui logent illégalement dans une grange, un terrain ou encore un garage, ne sont pas systématiquement expulsables. Cette décision appartient à un juge.
  • Les habitants vivant dans un immeuble touché par un arrêté de mise en sécurité : insalubrité ou logements dangereux.
  • Les conjoints ou les époux violents : il faut que cette expulsion ait été notifiée par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection.

Quel effet la trêve hivernale peut-elle avoir sur l’immobilier ?

Si de futurs investisseurs immobiliers viennent à discuter avec des propriétaires ayant déjà investi dans des biens locatifs, certains de leurs discours pourraient les freiner, voire les rebuter à se lancer dans ce type de projet. Il est vrai que l’investissement locatif a repris de (petites) couleurs en 2025. Toutefois, de futurs investisseurs pourraient adopter une posture attentiste pour les raisons suivantes : l’instabilité politique en France et les risques liés à la location d’un bien immobilier.

Devenir propriétaire d’un bien immobilier locatif n’offre pas que des avantages

Ce statut possède aussi des contraintes. Outre les frais habituels, comme le crédit immobilier, les frais de notaire, la taxe foncière, les charges liées à l’entretien : toiture, chaudière, ravalement, etc., les investisseurs potentiels savent qu’ils peuvent être confrontés aux mauvais payeurs et/ou aux squatteurs. Ces craintes peuvent freiner le futur investisseur qui pourrait renoncer à l’envie de mettre son bien en location. Une mauvaise nouvelle alors que la demande est toujours supérieure à l’offre. Mais également les propriétaires actuelles dépités par le comportement de certains locataires qui ne paient pas leur loyer ou qui détériorent le logement. Notons que trois millions de logements seraient vacants en France.

Certes, les investisseurs, qui se portent acquéreurs d’un logement, ont des recours, comme nous l’avons signifié ci-dessus. Toutefois, les démarches sont longues et les procédures d’expulsion ont un coût financier élevé : frais d’huissier, honoraires d’avocat, loyers perdus, etc. C’est pourquoi le bailleur doit opter pour des protections.

Que se passera-t-il dès le 1er avril 2026 ?

Dès la fin de la trêve hivernale, les expulsions peuvent reprendre. Les propriétaires peuvent saisir la justice pour demander l’expulsion des locataires qui n’auront pas régularisé leur situation. Signalons que les expulsions ne se feront pas du jour au lendemain. Il faut effectivement que la justice rende sa décision. Et que cette décision de justice soit suivie d’un commandement de quitter les lieux. Si le locataire refuse de s’en aller, son expulsion sera exécutée par un commissaire de justice et sûrement en présence des forces de l’ordre.

Les DOM observent aussi une trêve, mais pas hivernale !

Les départements français d’Outre-mer n’appliquent pas la trêve hivernale, mais la trêve… cyclonique ou pluviale en fonction des îles. Ce dispositif interdit donc les expulsions locatives.

Sur l’île de la Réunion, où des investisseurs d’un bien locatif peuvent aussi se heurter à ce type de problème, la trêve cyclonique est effective du 1er décembre 2025 au 15 avril 2026. En Guadeloupe et en Martinique, elle s’étend du 15 juillet au 30 octobre. À Mayotte, cette trêve cyclonique est instaurée du 15 novembre au 30 avril de l’année suivante. En Guyane, il s’agit de la trêve pluviale mise en place du 15 mars au 31 juillet de la même année.

Ce qu'il faut retenir

¹Les dates de la trêve hivernale sont fixées par la loi ALUR de mars 20214 (loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové). Depuis 2014, la trêve hivernale, qui s’étendait du 1er décembre au 15 mars, a été prolongée jusqu’au 31 mars.

² La trêve hivernale est inscrite dans la loi française depuis 1956 et appliquée chaque année.

³19 023 expulsions en présence des forces de l’ordre ont eu lieu en France en 2023, d’après un rapport de la Cour des comptes, soit une hausse de 17 % comparée à l’année précédente.